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Mauvais temps pour la communication publique
Vraiment, je me sens de mauvaise humeur blogueuse.
Que de reculs, de pas en arrière ! Que reste-t-il aujourd’hui de nos avancées communicationnelles patientes et vertueuses ?
Vers une communication publique, qui informe honnêtement les citoyens, qui explique la complexité de l’organisation de la vie de la cité et de l’action publique, qui dialogue avec les usagers des services publics et qui favorise de se concerter avec les citoyens pour mieux éclairer l’offre politique ?
La communication politique, en effet, bat son plein.
Ses postures et ses messages caricaturaux occupent le devant de la scène, envahissent les médias et donnent à voir les aspects les plus régressifs du débat public.
Les vieilles recettes des publicitaires sont à l’œuvre. Plus c’est gros, mieux ça passe. Les promesses déjà faites, même non tenues, restent des promesses… à retenir. Les médias colportent les propos de campagne en se référant à l’audimat, dont les pointes signalent les brèves sorties des indifférents de leur torpeur. Le « vu à la télé » est le nouveau principe de réalité.
Qu’on parle de vous en bien ou en mal, dit Jacques Séguéla, peu importe, votre notoriété progresse.
Et mon image alors ? Pas de problème, on s’en occupe. D’ailleurs, la pub pérore encore en vous assénant quelques formules sentencieuses avec l’autorité de ceux qui ont su se vendre remarquablement… certes beaucoup mieux qu’ils n’ont su vendre leurs clients.
Mais, Jacques Séguéla doit être excusé, car il n’avait pas diagnostiqué assez tôt, en 2002, que Jospin était un mauvais produit… à l’aune bien entendu de ses savoir-faire en publicité comparative.
Peu rassurant donc en 2012, le soutien de Séguéla au produit Sarkozy ! Car il s’agit bien, foi de Jean-François Copé, de considérer le citoyen comme un consommateur de politique. Le respect dû au client, voyons, doit bénéficier au citoyen ! Le marketing n’est-il pas un remarquable instrument pour connaitre les demandes sociales et, quand on ne peut les satisfaire, pour savoir ce que les électeurs auraient simplement du plaisir à entendre ?
D’où ces messages placebo, ces lois d’affichage et ces promesses simplistes d’une démocratie d’opinion, qui s’avère incapable d’associer sérieusement les citoyens aux prises de décisions essentielles pour leur vie quotidienne et pour les générations à venir.
Décidemment, comme le projettent d’excellents films, les périodes fulgurantes de conquête de « la marche du pouvoir » viennent occulter ou réduire les temps longs de « l’exercice de l’Etat ».
Bonne année
dimanche, 1er janvier 2012
des bons vœux,
des vœux durables (au-delà de l’immédiate actualité),
des vœux pour l’avenir,
mais pas à crédit (ça augmente la dette),
des vœux d’être informé,
de mieux communiquer,
de débattre et de participer
Démocraties… border line
L’un après l’autre, des dirigeants de démocraties voient leur légitimité remise en cause par la crise des dettes souveraines et les menaces de récession. Après 2008, le tiers des chefs de gouvernement des 27 pays de l’Union ont été remerciés. Car, on attend en vain des décisions pertinentes à la fois immédiates et pour l’avenir.
Pas de réponses aux protestations contre les dégâts de l’irresponsabilité financière mondiale, ni aux indignations devant les aggravations de la pauvreté et de l’exclusion, ni aux contestations populaires des mesures douloureuses, incomplètes et injustes, adoptées sans consultation. Seules sont entendues, pour établir la crédibilité du politique, les fluctuations des marchés financiers et les appréciations des agences de notation.
Pannes de communication ou impuissances de nos démocraties, empêtrées pour réagir et sourdes aux volontés du peuple ? Un tel terreau a pu être fertile pour la dictature et la démagogie. N’est-il pas temps de donner un peu plus la parole au peuple ?
On voudrait voir éclore, puis fleurir à l’échelle de la planète, des gouvernances aptes à dialoguer avec les citoyens pour rechercher des modes de développement autres que le tout croissance, y compris des inégalités et autres que le tout consommation, y compris des énergies non renouvelables.
Tolérer, selon l’avancement de l’économie d’un pays, une croissance réduite, des investissements à long terme destinés à reconvertir les voies d’utilisation des ressources naturelles, brider les mouvements financiers pour éradiquer les tentations spéculatives : cela nécessite un large et raisonnable appui populaire.
Est-ce utopique ? Oui, sauf si on parie avec les citoyens. Si la communication est faite de véritables échanges d’informations et de discussion. Si la concertation et le débat public deviennent la voie patiente et sereine qui privilégie la pédagogie et écarte la démagogie. Si on ne propose un référendum qu’après une longue et complète information, accompagnée de larges débats.
Une démocratie ne peut survivre, surtout en période de crise, qu’en recourant à des pratiques participatives. Associer les citoyens, c’est reconnaître une évidence que les gouvernants ne sont pas des supermen omniscients, capables de sortir des solutions magiques de leur chapeau.
C’est par la capacité à mettre les problèmes sur la place publique, par l’autorité à avancer quelques certitudes et à choisir les chemins qui dissiperont les doutes, que les politiques pourront renforcer leur crédibilité et leur légitimité.
Nous allons bien voir si le style des consultations électorales, à venir dans quelques pays, change dans ce sens. Et si, face aux égoïsmes peu soucieux des intérêts collectifs ou de l’avenir de la planète, les acteurs publics, qui sollicitent d’exercer le pouvoir, vont enfin sortir leurs actions d’un pusillanime isolement.
Re-crédibiliser la parole publique : une nouvelle ère de la communication
Communication publique [voir « sites amis »], avec une rencontre le 21 octobre prochain, poursuit une louable réflexion sur un sujet hautement d’actualité, la crédibilité de la parole publique.
Les silences, les balbutiements, les affichages des faux semblants, les annonces non suivies d’effets sapent, chaque jour un peu plus, la confiance indispensable à la classe politique pour qu’une démocratie fonctionne.
La mauvaise qualité de la relation avec les citoyens contribue à l’atrophie du sens commun et à la perte de vue de l’intérêt général. L’indignation crie à l’inefficacité des pouvoirs et à la remise en cause du vivre ensemble.
Le discrédit rejaillit sur les institutions publiques. Le soupçon accueille toute communication publique. D’autant qu’au règne de l’instantanéité sans recul, d’Internet, nourricier ou sorcier, des réseaux, précieux ou mafieux, la parole publique est prise, comme une fille publique, avec n’importe quelle légitimité.
Les médias ont démissionné de leur véritable rôle d’information. Si les journalistes révèlent utilement quelques vérités cachées ou des détournements de pouvoir, ils ne constituent pour l’essentiel qu’un filtre réducteur et négligent la mise à disposition des données publiques. Le regard trop fixé sur l’actualité est myope sur les enjeux du débat public.
Alors, oui bien sûr, il faut poursuivre les combats de la transparence, de l’accès à l’information, de l’explication et du dialogue qui ouvrent vers une communication authentique.
Mais, face aux crises financières, économiques, écologiques, forcément sociales et profondément politiques, ces recommandations et bonnes intentions s’avèrent d’une portée limitée et impuissantes à réhabiliter la citoyenneté. Car, pour crédibiliser la parole publique, il faut délibérément entrer dans une nouvelle ère de la communication.
Réduisons la place des registres de la promotion, de l’incantation ou de l’injonction, propres aux dirigeants qui s’obligent à des rôles de supermen, omniscients, voire omniprésents. Développons, partout où les doutes voisinent avec les certitudes, la discussion, l’échange d’information et le débat public.
La démocratie représentative doit d’urgence développer des pratiques participatives. Elles émergent au niveau local. Elles s’essaient sur les grands projets et les politiques publiques. Elles devraient plus concerner le Parlement. Le Conseil d’Etat incite aussi l’administration à « consulter autrement et participer efficacement ». [Voir les « billets » des 19.01 et 5.07.2011, divers « Articles », ainsi que le site du Conseil d’Etat].
C’est en associant, à chaque fois qu’utile, les citoyens qu’un Etat de droit peut être à la fois modeste et manifeste, plus efficace.
La menace des sondages intempestifs
Il faut d’abord redire que, lorsqu’on scrute l’opinion un an ou plusieurs mois avant une échéance électorale, parler d’intention de vote est un abus de langage. L’offre politique n’est pas encore constituée. Les personnes interrogées ignorent ce que seront leur situation et celle du pays, ainsi que l’état du monde à cet horizon lointain. Bien que leurs préoccupations soient autres, certaines acceptent de jouer avec des hypothèses, d’avancer des préférences éphémères, de parier… Bref, elles font un pronostic.
Sous la pression des médias, les instituts de sondages et d’éminents représentants de la science politique se livrent donc, quoiqu’ils en disent, à des pronostics. Sans prendre le temps d’une pédagogie sur les mouvements d’opinions. Et avec peu d’effort pour élever le niveau du débat public.
Pire, lorsque la démocratie tente de s’ouvrir aux citoyens et que le PS innove en proposant des primaires entre des candidats potentiels à l’élection présidentielle, les sondages se multiplient et leur qualité se détériore. Car d’une part, on se borne à reconduire les laborieuses méthodes de redressement des chiffres bruts, mais sans références possibles à des enquêtes analogues. D’autre part, la construction d’un échantillon représentatif est impossible dans l’ignorance de ce que sera le corps électoral de cette consultation inédite.
On peut faire des hypothèses, et aussi des sondages, afin de savoir s’il y aura 500 000 ou 5 millions de participants, si ceux-ci seront des sympathisants entrainés par des adhérents du Parti Socialiste ou séduits par la médiatisation de l’exercice ou plus largement des citoyens tentés par une expérience qui les distrairait un instant des errements et des impuissances de la politique. Toutes les motivations sont imaginables en réponse aux sondeurs.
La Commission des sondages fait un nouveau communiqué pour appeler à la prudence d’interprétation des chiffres actuels. Elle sera entendue des instituts, conscients du caractère périlleux de leurs travaux. Elle sera superbement ignorée des médias qui commandent les sondages. Toute critique sur des commentaires est en effet écartée au nom d’une liberté de la presse, qui est plus exactement ici la liberté du commerce des supports d’information.
Les effets pervers de ces sondages intempestifs ne manquent pas. Dans la population potentielle intéressée, combien de personnes seront dissuadées de participer à cette primaire en considérant qu’ils ont fait leur choix par procuration, dans les sondages publiés ? Tant pis pour la mobilisation politique recherchée !
Ce foisonnement de sondages propose des raccourcis ou des substituts du débat public. Face à une tentative de la démocratie représentative d’être un peu plus participative, on assiste à la réaction de la démocratie d’opinion. Toujours sur la voie de remplacer la volonté populaire par des avis d’experts, par des sondages en ligne et par des effets d’annonce ou des affichages médiatiques.
Le texte de ce billet a été repris par le magazine Stratégies dans son n° daté du 6 octobre.
Mieux associer les citoyens à la décision publique
Il n’est pas anodin que le Conseil d’Etat consacre les « Considérations générales » de son rapport public à deux impératifs – qui lui semblent de saison pour réformer l’Etat et faire face aux crises : « consulter autrement, participer effectivement ».
L’ambition qu’affiche cet intitulé, comme le souhait de rendre l’administration « délibérative », correspondent aux préoccupations des gouvernants et des dirigeants d’éviter que ne s’accroisse la méfiance ou la défiance à l’égard de la parole et de la communication publiques, comme vis-à-vis des procédures et des institutions publiques.
Compte tenu de mon implication sur ce thème de la participation des citoyens, tant à l’occasion de plusieurs missions, que dans de nombreux écrits, Jacky Richard, rapporteur général de la Section du Rapport et des Etudes, a bien voulu m’associer à cette réflexion. Je me félicite de ce que le crédit du Conseil d’Etat contribue à mettre en lumière l’enjeu essentiel d’associer les citoyens à la conduite de l’action publique.
Les expériences montrent en effet qu’il est ainsi possible d’étayer les décisions publiques alors que celles-ci tendent à se diluer dans les méandres de la complexité, de les rendre plus durables et aussi plus rapides, en dépit des procès en chronophagie faits aux consultations.
Présentant ces travaux, qui se concluent sur 18 recommandations et qui vont être diffusés à la Documentation française *, le Vice-président du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé a stigmatisé des consultations souvent tardives et formelles. Parfois, elles sont aussi prématurées, lorsqu’est recherché un effet d’annonce plutôt qu’une large appropriation sociale.
La culture du débat public ne se diffusera qu’à trois conditions. La concertation doit intervenir au moment pertinent de la maturation d’un processus de décision. Les modalités doivent garantir la qualité du débat contradictoire. Le suivi et l’évaluation doivent incomber aux bons niveaux de responsabilité pour que se développe une mémoire collective.
En tout état de cause, il faut se garder de créer pour le public l’illusion d’une codécision ou d’une démocratie directe qui, sans échanges approfondis, n’aboutit qu’à un sondage sommaire et de surcroit précipité via Internet. En évitant le flou de la démocratie d’opinion, des pratiques authentiquement participatives peuvent enrichir le fonctionnement de la démocratie et de ses administrations.
* dès à présent consultables sur le site www.conseil-etat.fr
Perplexité de la communication
« Bon anniversaire Edgar » souhaite Michel Rocard dans le n° 60 de la revue Hermès qui, ce 8 juillet, commémore à la fois les 90 ans d’Edgar Morin et les 60 années d’activités au CNRS de l’écrivain-philosophe.
Je ne peux m’empêcher d’associer Michel Rocard et Edgar Morin dans ma réflexion sur la communication publique, dont on tolère mal les difficultés à véhiculer et à partager la complexité de la connaissance.
Alors que celui-là entend « dire la complexité des choses pour faire appel à la lucidité des gens », celui-ci observe que la simplification, notamment médiatique, va aujourd’hui de pair avec le démembrement par les spécialistes d’une réalité qui, pour mieux prévenir de l’avenir, doit être perçue dans sa globalité.
Pour parler vrai Rocard ne se conforme pas à une obligation de parler simple. Avec un pied-de-nez aux exigences réductionnistes de la plupart des exercices médiatiques, il assume la complexité. J’ai pu analyser qu’il tire de bons bénéfices d’image de l’authenticité et de la conviction de ses démonstrations ardues. Nombre de ceux qui le regardent sur leur petit écran, tout en avouant n’avoir pas pu suivre la totalité de ses propos, lui savent gré de ne pas caricaturer la réalité.
Alors que l’immédiateté des flux de données et l’élargissement planétaire des questionnements contribuent de manière entropique, hors des cercles d’initiés, à la complexité de l’information, Edgar Morin dénonce en ouvrant La Voie (Fayard, janvier 2011) «les cécités d’un mode de connaissance qui, compartimentant les savoirs, désintègre les problèmes fondamentaux et globaux».
Errements de communication ! Aujourd’hui plus que jamais, connaissance et communication sont le double visage d’une même perplexité. La gouvernance se pervertit de mal user de la communication, les simplifications de la seconde se substituant aux complexités de la première.
La communication politique en est venue à s’élaborer de manière autonome, en marge de l’action publique. Elle est une spécialité, de moins en moins apte à rendre compte de la globalité du réel. Elle n’invite pas les gouvernés à dépasser, dans la conduite de l’action publique, les jeux superficiels de la conquête du pouvoir. Elle renonce à donner du sens et à rendre accessible le débat public.
Or, rappelle Edgar Morin: «Les réformes sont solidaires. Elles ne sont pas seulement institutionnelles, économiques, sociales, elles sont aussi mentales, et nécessitent une aptitude… qui requiert une réforme de l’esprit.». Il nous propose dans « La Méthode » – rééditée en 2008 – des principes pour aborder, traduire, voire communiquer la complexité. Notamment sur les registres de la relation à l’Autre et de la relation à l’environnement, il élargit l’universalisme des Lumières, trop marqué par la subjective rationalité cartésienne du « je pense donc je suis ».
Edgar Morin plaide pour la relation: «La compréhension humaine ne saurait se réduire à des données objectives. Elle nécessite une relation d’ouverture et de partage.» Et il insiste : «une véritable société de l’information repose sur sa capacité à intégrer les informations dans une connaissance complexe.»
Contrairement à ses apparences généreuses du partage de l’information, Internet conduit trop souvent, par la puissance des immédiatetés, à un déni d’humanité. Ne pas prendre le temps d’établir une relation authentique est un irrespect de l’autre, de sa singularité, de son identité. Un handicap pour une démocratie cognitive !
La démocratie, en dépit de ses graves imperfections, préserve des temps de médiation qui protègent les droits des citoyens. Tant bien que mal, elle organise le débat contradictoire qui permet de s’accorder sur des vérités humaines.
Partageant une lucidité sévère, Edgar Morin et Michel Rocard s’accordent sur l’espoir, même s’il paraît peu probable, qu’une intelligence collective peut encore advenir.
Assez de com’ et plus de communication, svp !
Outre la place insuffisante accordée à la justice française dans l’équilibre des pouvoirs, les commentaires suscités par l’affaire DSK confirment une conception tronquée de la communication. Limitée à l’actualité des procès en connivence ou en voyeurisme des médias, prompte à faire de faits divers – certes parfois conséquents – des sujets de société, l’information s’accommode, à un an de l’élection présidentielle, de la grande pauvreté du débat d’idées.
La communication politique n’est plus du tout jaugée à l’aune du savoir-conduire des politiques publiques face aux défis économiques, sociaux, écologiques, éthiques ou en fonction des aptitudes à accompagner l’action des dirigeants. On se refuse à reconnaître les mérites d’une communication qui mettrait à disposition les informations utiles, expliquerait les choix et encouragerait la discussion. N’est-ce pas hors de portée, non seulement de la classe politique, mais aussi hors de l’intérêt des médias ?
Il est plus facile de s’en tenir à des « petites phrases » et de laisser effectivement la communication se réduire à de la com’ parce qu’elle se dissocie des actes et s’émancipe sur les registres de la pub’. Elle s’exacerbe dans la conquête du pouvoir, mais confirme son inaptitude à accompagner l’exercice du pouvoir autrement que par des effets d’annonce ou par l’affichage de mesures, voire de lois, de plus en plus éloignées des dures réalités de l’action publique, comme des attentes déçues de la société.
A la veille du coup d’arrêt brutal porté aux incertitudes strauskhaniennes, la page « trois » du Monde daté du 14 mai, signée Raphaëlle Bacqué, apportait la démonstration prémonitoire que les coulisses communicantes ne font qu’amuser la galerie, en l’absence des acteurs.
A l’inverse, le film La conquête montre que, bien présentes, les forces de conviction et de séduction doivent tout à l’intuition et au sens de l’action de Nicolas Sarkozy. Les études de marketing confortent son entourage. Les mises en scène obéissent à sa spectaculaire ambition. Comme le travail considérable préparé sur le fond se traduit mal en images, Patrick Rotman suggère que son apport est intimement intégré dans un engagement, prêt à être mis en musique avec la mélodie qui flatte l’oreille des gens.
Bien des journalistes, comme des historiens qui laissent l’immédiateté les bousculer, sont séduits par les habiletés professionnelles des publicitaires qui conseillent la politique, des éminences grises ou spin doctors capables, par un coup spectaculaire, de bousculer les audimats, voire les sondages… au moins durant deux jours.
François Bazin a été fasciné par Jacques Pilhan, qu’il a décrit opérant comme un sorcier à l’Elysée. Les critiques récents les plus pertinents à dénoncer les déviances de l’exercice du pouvoir, Franz-Olivier Gisbert, Nicolas Domenach et Maurice Szafran, même Yves Calvi et ses experts invités, restent sensibles aux miroitements de la démocratie d’opinion. Un sondage, une déclaration de-ci de-là, dispensent de dénoncer des errements d’image ou les faux-sens d’orientations provoqués par des néo-marketings ou portés par les rumeurs numériques.
Gageons que, dans les prochaines semaines, l’analyse comparée des solutions portées en primo-compétition par les candidats socialistes potentiels s’effacera derrière la peopolisation des postures médiatiques ou les récits des moindres faits et gestes liés à grossesse de Carla Bruni-Sarkozy.
La communication a été amenée à se bâtir un monde à part, qui fait bon ménage avec les exigences simplificatrices de la médiatisation. Désormais capable de suppléer à la faiblesse des messages, la com’ s’arroge de se substituer à la politique.
Loin des actes, qui parlent fort, les politiques savent de moins en moins communiquer pour convaincre de leurs options et entrainer les opinions, pour gouverner en associant les citoyens. Les journalistes s’en tirent à bon compte par la pirouette qui à la fois exonère de la moindre critique leur information, dite pure dans la quête des vérités, puis étend les discrédits du mensonge ou de la manipulation à toute autre communication politique.
La formule de Michel Rocard « dire la complexité des choses et faire appel à la lucidité des gens » fixe des objectifs simples à la communication politique : la transparence des procédures et la mise à dispositions données publiques, l’explication des choix, la pédagogie des évolutions retenues et le dialogue qui entretient la confiance du lien social. Les consultations et la concertation offrent de bénéficier des expertises d’usage, indispensables aux compromis sociaux ou pour susciter l’appropriation collective des décisions.
Alors, les médias peuvent-ils s’intéresser à autre chose qu’à la com’ pour élever le niveau du débat public ? Par avance, merci.
Je persiste et signe : encourager de communiquer autrement est urgent pour régénérer la démocratie.
Ce n’est vraiment pas le moment de promouvoir la com’
Lettre ouverte aux « fils de pub »
Les crises se succèdent, profondes, porteuses de pressantes menaces pour le genre humain et pour le vivre ensemble. Comment réagir et vite décider ?
Il est urgent de dire les choses, de partager l’information, d’expliquer, de discuter, de bien comprendre, de se comprendre et de cesser de brader le débat public. Il est irresponsable de rester sous l’empire de ces pratiques caricaturales de la communication, qui étouffent les enjeux de notre temps sous l’épais édredon des marketings simplistes et des modes variés de la propagande.
La semaine de la publicité manifeste en 2011 une prise de conscience
La communication des institutions et services publics confirme des évolutions vertueuses pour mettre les données utiles à disposition, pour plus de transparence, pour écouter et dialoguer. Elle s’avise de moins traiter les citoyens en clients consommateurs de la chose publique ou en spectateurs des balbutiements de la démocratie. Faire de l’intérêt général une prestation est grave par les temps qui courent : le lien social se délite.
L’association des professionnels de la publicité et de la communication a attribué ses prix de « la campagne citoyenne » à des productions longues, sérieuses, pédagogiques, dures, drôles, poétiques, pour défendre des causes sociales ou humanitaires, réduire les déchets, faire reculer la peine de mort dans le monde, pour la sécurité routière ou pour porter un autre regard sur les SDF.
Ici, exit la promotion, les toujours « plus » ou les facilement « mieux ». Voici venus la protection, le respect des règles, la solidarité, la défense des droits, les « moins » … de rejets, de gaspillage, de blessés. Bravo !
Alors pourquoi a-t-il fallu que le président de l’AACC, Nicolas Bordas, gâche un peu l’ambiance en proclamant l’espoir que le lobby des publicitaires fera bientôt disparaître de la loi Rocard du 15 janvier 1990 l’interdiction de publicité électorale sous forme commerciale au cours des trois mois qui précèdent un scrutin ? A l’ère du développement durable ou des affres des acteurs économiques à assumer des responsabilités sociales, choisit-on d’orienter les contrats d’annonceurs vers le marché de la politique ?
Erreur d’évaluation : on imagine mal des candidats aux élections municipales, cantonales, régionales, législatives trouver des financements importants – même en augmentant les plafonnements autorisés – pour des opérations d’information inévitablement limitées à des slogans ressassés et à des images retouchées.
Est-on myope pour ne pas voir que la marchandisation, qui enrobe la politique dans l’illusion de facilité consumériste, est l’une des causes de l’abstention et du rejet de la classe politique ? L’opinion sait que l’impuissance des gouvernants tente de se dissimuler derrière le paravent de la com’.
Erreur d’orientation : on attend des conseils et des créatifs qu’ils profitent, justement les veilles d’élections, des espaces désertés et des tarifs réduits. Ils ont à confirmer leurs aptitudes à communiquer – médias et hors médias – pour relever bien des défis : réveiller notre mémoire collective, apporter du recul à l’instantanéité de la médiatisation, pratiquer les registres didactiques de la conduite délicate de nos sociétés complexes, aborder les thèmes civiques du fonctionnement de la démocratie et inciter à la participation citoyenne.
Attention qu’à prétendre « débrider » la communication politique, on ne contribue qu’un peu plus à la dévoyer !
Les réponses des IPC-in aux IPC-out
IPC ???
Indignation
Protestation
Contestation
3 questionnements mis sur la place publique : les peuples font leurs coming out
Echos d’indignation venus avec les vœux de nouvel an
Vagues de protestation dans une Europe en crise et sur la planète qui doute
Mouvements de contestation dans le monde arabe privé de démocratie
Constats des impuissances et des injustices des gouvernements
Fin des illusions de l’efficacité des dictatures, mais aussi des élites égocentrées
Souhaits des citoyens d’être pris en considération, mieux représentés et associés
Ces défis exprimés en IPC-out ne seront relevés que par des IPC-in consentis
Partage et échange de l’information dans une relation confiante de communication
Invitation à la participation aux décisions politiques quotidiennes et pour l’avenir
Nouvelles pratiques de concertation et de débat public pour repenser la démocratie
3 voies à suivre par les pouvoirs éclairés : diriger avec les opinions en drive in
Information
Participation
Concertation
IPC !!!