Quel vrai chef pour rassurer les opinions ?
“Point de vue” publié par Marianne n°831 du 23 au 29 mars
Enquêtes sur des attentes de « vrai chef » et réflexions sur la crise de l’autorité montrent que les Français sont désemparés, dans une société ouverte aux vents mondiaux, éclatée et en profonde crise.
Heureusement, ils n’en sont pas à réclamer ce chef mythique autoritaire qui ouvre la voie totalitaire. Mais combien de temps ?
Dans des circonstances difficiles qui laissent peu de prise à l’exercice du pouvoir, on peut toujours jouer les supermen. Nicolas Sarkozy s’y est essayé. Faute de résultats tangibles, cette gouvernance par l’apparence et par l’annonce ne tarde pas à perdre sa crédibilité.
Alors qu’il s’agit d’entretenir la confiance et de rassurer, perdure pourtant l’idée reçue que parler vrai affaiblit. Qu’il faut bannir la tentation d’accorder ambitions affichées et capacités de résoudre les problèmes.
Pour sécuriser des opinions de plus en plus soumises aux pressions de l’instantanéité médiatique et pour sortir de la relation chaotique entre gouvernants et gouvernés, les dirigeants doivent réhabiliter l’adjectif vrai.
Le chef d’aujourd’hui doit être un pédagogue qui, proche des gens, dialogue, propose, voire expérimente et partage mieux les choix qu’il assume. Il trouvera son autorité dans une authenticité durable, à « dire la complexité des choses et faire appel à la lucidité des gens ».
Parions que nous sommes assez adultes pour prendre conscience que, hormis les circonstances exceptionnelles de l’appel à un sauveur de la patrie, le vrai chef est celui qui éclaire et qui guide.
Il nous faut donc admettre un exercice du pouvoir ordinaire, plus normal, accessible et lisible, qui associe largement les citoyens et les corps intermédiaires, pour proposer les compromis nécessaires à la conduite de la société. Pour conjuguer compétitivité et solidarité. Pour marier progrès et écologie. Pour croiser efficacité et justice.
Le vrai chef sera désormais celui qui, faisant le pari de l’intelligence collective, assiéra son autorité en obtenant de larges compréhensions et adhésions grâce à son aptitude à vivifier et orienter le débat public.