30 ans après PMF
Pierre Mendés France disparaissait le 18 octobre 1982, après avoir reçu à l’Elysée l’hommage de François Mitterrand fraichement élu : « Sans vous, cela n’aurait pas été possible ». Beaucoup d’hommages rendus, mais un héritage dont les prescriptions sont assez peu suivies…
Certes, en mettant en place la Commission Jospin, dès lors qu’il s’agit de modernisation et de moralisation de la relation que les gens peuvent avoir avec le fonctionnement de la démocratie et avec la politique, on ne manque pas de se référer à l’éthique républicaine de PMF. (voir Le Monde du 20 juillet 2012 : Jospin dans les pas de Mendés ?)
Certes, lorsqu’on aborde la question du cumul des mandats, on se souvient que Mendés France soutenait que le scrutin uninominal fonde une relation de confiance envers un élu responsable qui doit rendre compte de son mandat, dans la clarté, la simplicité pédagogique. Donc d’un seul mandat.
Certes Michel Rocard, en héritier bien placé pour poursuivre la bataille keynésienne contre le monétarisme, salue le regard précurseur de PMF sur les régulations indispensables du capitalisme libéral et sur des risques d’emballement des marchés.
Mais c’est dans le domaine de la communication gouvernementale qu’une démarche à la Mendés fait cruellement défaut pour faire connaitre la complexité des choses et faire appel à la lucidité des gens. Il dit dans ses « Causeries du Samedi »: « Mon intention est de m’adresser à vous régulièrement, pour vous parler en toute simplicité et vous tenir au courant de ce que fait et de ce que pense le Gouvernement ». Ou encore : « Vous, à qui je m’adresse, ne dites pas «nous n’y comprenons rien, car ces problèmes sont trop techniques», ce n’est pas vrai ».
Sa quête viscérale d’associer les citoyens à la délibération publique, repose sur deux formules, clés d’un bon débat public, « Dire la vérité » et « Gouverner c’est choisir ». Un gouvernement, comme toute autorité publique, ne peut informer les citoyens et les appeler au dialogue sans prendre l’initiative et faire l’effort préalable de formuler simplement son projet, ses choix, d’en connaître le réalisme, d’en retenir les priorités et éventuellement de dire ses doutes ou de revoir certaines décisions.
PMF suit cette règle de transparence, assignée à la parole publique, que son émetteur soit au clair avec lui-même. Dès lors il établit avec les citoyens récepteurs une relation de confiance, qui rend audible, lisible son message. PMF donne l’impression de gouverner à voix haute.
On tolère qu’il n’apporte pas tout de suite une solution définitive à un défi gouvernemental, car il s’engage sur un calendrier. Mettant lui-même la pression sur la mission qu’il mène, il reste, face aux médias, maitre de son agenda. La communication de Pierre Mendés France est un mélange d’une grande modernité entre démocratie parlementaire et démocratie directe.
On objectera que les médias ne jouent plus que dans une actualité de plus en plus immédiate. Il n’en faut aujourd’hui, pour gouverner communication comprise, que toujours plus d’anticipation, d’authenticité et d’engagement pédagogique. Pour être « normal », un Etat modeste doit être manifeste.