Ce n’est vraiment pas le moment de promouvoir la com’
Lettre ouverte aux « fils de pub »
Les crises se succèdent, profondes, porteuses de pressantes menaces pour le genre humain et pour le vivre ensemble. Comment réagir et vite décider ?
Il est urgent de dire les choses, de partager l’information, d’expliquer, de discuter, de bien comprendre, de se comprendre et de cesser de brader le débat public. Il est irresponsable de rester sous l’empire de ces pratiques caricaturales de la communication, qui étouffent les enjeux de notre temps sous l’épais édredon des marketings simplistes et des modes variés de la propagande.
La semaine de la publicité manifeste en 2011 une prise de conscience
La communication des institutions et services publics confirme des évolutions vertueuses pour mettre les données utiles à disposition, pour plus de transparence, pour écouter et dialoguer. Elle s’avise de moins traiter les citoyens en clients consommateurs de la chose publique ou en spectateurs des balbutiements de la démocratie. Faire de l’intérêt général une prestation est grave par les temps qui courent : le lien social se délite.
L’association des professionnels de la publicité et de la communication a attribué ses prix de « la campagne citoyenne » à des productions longues, sérieuses, pédagogiques, dures, drôles, poétiques, pour défendre des causes sociales ou humanitaires, réduire les déchets, faire reculer la peine de mort dans le monde, pour la sécurité routière ou pour porter un autre regard sur les SDF.
Ici, exit la promotion, les toujours « plus » ou les facilement « mieux ». Voici venus la protection, le respect des règles, la solidarité, la défense des droits, les « moins » … de rejets, de gaspillage, de blessés. Bravo !
Alors pourquoi a-t-il fallu que le président de l’AACC, Nicolas Bordas, gâche un peu l’ambiance en proclamant l’espoir que le lobby des publicitaires fera bientôt disparaître de la loi Rocard du 15 janvier 1990 l’interdiction de publicité électorale sous forme commerciale au cours des trois mois qui précèdent un scrutin ? A l’ère du développement durable ou des affres des acteurs économiques à assumer des responsabilités sociales, choisit-on d’orienter les contrats d’annonceurs vers le marché de la politique ?
Erreur d’évaluation : on imagine mal des candidats aux élections municipales, cantonales, régionales, législatives trouver des financements importants – même en augmentant les plafonnements autorisés – pour des opérations d’information inévitablement limitées à des slogans ressassés et à des images retouchées.
Est-on myope pour ne pas voir que la marchandisation, qui enrobe la politique dans l’illusion de facilité consumériste, est l’une des causes de l’abstention et du rejet de la classe politique ? L’opinion sait que l’impuissance des gouvernants tente de se dissimuler derrière le paravent de la com’.
Erreur d’orientation : on attend des conseils et des créatifs qu’ils profitent, justement les veilles d’élections, des espaces désertés et des tarifs réduits. Ils ont à confirmer leurs aptitudes à communiquer – médias et hors médias – pour relever bien des défis : réveiller notre mémoire collective, apporter du recul à l’instantanéité de la médiatisation, pratiquer les registres didactiques de la conduite délicate de nos sociétés complexes, aborder les thèmes civiques du fonctionnement de la démocratie et inciter à la participation citoyenne.
Attention qu’à prétendre « débrider » la communication politique, on ne contribue qu’un peu plus à la dévoyer !